Le secret du Niedertor

 

À Wangen, petit village niché au creux des collines, l’hiver était bien là .

Les ruelles pavées s’illuminaient de lanternes dorées, et la neige s’accrochait aux toits comme un manteau de velours.

Aux portes de la cité se dressait la fière tour du Niedertor, grande gardienne de pierre qui veillait sur les habitants depuis des siècles.

Parmi eux vivait Lina, une fillette aux yeux brillants comme deux étoiles en hiver.

Chaque soir de décembre, elle aimait se promener avec sa petite lanterne en cuivre, dont la flamme vacillait joyeusement, comme si elle avait une âme.

Ce soir-là, la brume s’élevait d’un souffle léger, et le Niedertor semblait plus mystérieux que jamais. Lina s’approcha de la tour, posa sa main sur la pierre froide et chuchota :

— Bonsoir, ma grande amie. Je suis revenue… Et j’ai apporté un peu de lumière.

Alors, dans un souffle presque imperceptible, la tour murmura :

— Je le vois, Lina. Ta lumière grandit chaque jour. As-tu gardé notre secret ?

La petite hocha la tête, ses boucles dansant dans la lueur de la lanterne.

— Oui. Personne ne sait que tu parles… sauf moi.

La tour sourit intérieurement, ses vieilles pierres frémissant doucement.

Depuis bien longtemps, le Niedertor ne révélait son secret qu’un soir par an : la nuit où naissait la première étoile de Noël. Ce soir-là, elle pouvait s’entretenir avec l’enfant dont le cœur portait le plus d’espoir. Cette année encore, c’était Lina.

— Tu es venue pour me demander quelque chose, n’est-ce pas ? interrogea la tour.

Lina hésita puis souffla :

— Oui… Je voudrais que tout le village retrouve la joie de Noël. L’hiver a été si rude… Les gens ne chantent plus, ils ne décorent plus. J’aimerais qu’ils sourient à nouveau.

La tour resta silencieuse un instant, puis laissa filtrer un éclat minuscule entre deux pierres — un scintillement couleur miel.

— Alors écoute bien, Lina. Ce soir, ta lanterne porte un feu invisible. Si tu traverses l’arche en marchant sans te retourner, ce feu se répandra dans tout Wangen.

La fillette serra sa lanterne contre elle, un peu intimidée.

— Et que se passera-t-il ?

— Ce qui doit arriver à Noël, répondit doucement la tour. La lumière touchera les cœurs fatigués… et réveillera leurs souvenirs d’enfance.

Lina inspira profondément, puis s’élança. Ses bottines résonnaient sur les pavés, et derrière elle la tour scintillait faiblement. Lorsqu’elle passa sous l’arche du Niedertor, un souffle chaud l’enveloppa comme une écharpe de lumière.

Au même moment, dans chaque maison, une petite flamme se ralluma : ici une bougie oubliée, là une guirlande qui clignota à nouveau. Les volets s’ouvrirent, les rires fusèrent, et bientôt les chansons de Noël montèrent dans le ciel, étoile après étoile.

Quand Lina se retourna enfin, la tour semblait plus dorée, plus vivante qu’elle ne l’avait jamais vue.

— Merci, Lina, murmura le Niedertor. Grâce à toi, le village se souvient.

Et cette nuit-là, tandis que la neige tombait en silence, la fillette comprit que le plus beau secret de Noël n’était pas caché dans une tour… mais dans la petite lumière qu’on porte en soi.